LE MOULIN

Enjeux patrimonial & écologique

Tous les ans, avec les crues d’hiver, de nombreux branchages de toutes tailles sont charriés par la rivière. Parfois se sont mêmes des souches avec des troncs entiers qui restent bloqués sur le barrage ou dans le sous-bief. On appelle cela des embâcles et il appartient au propriétaire de les déblayer pour assurer l’écoulement normal du cours d’eau.

Les embâcles peuvent occasionner de gros dégâts sur le barrage car ils forment d’énormes tas inextricables qui génèrent de puissants tourbillons d’eau. Ces derniers ravinent les joints des pierres et le fond de chaque côté du barrage.

Au fil des ans, des infiltrations de plus en plus conséquentes peuvent se former dans et sous le barrage, menaçant sa stabilité.

Ainsi, au printemps 2020, le barrage s’est affaissé sur environ 7m.
Nous avons dû attendre l’été, quand le débit d’eau est le plus faible, pour entreprendre les importants travaux de restauration qui ont permis de sauvegarder ce patrimoine du moyen-âge et maintenir le plan d’eau.

Les experts de l’Association des Moulins du Morvan et de la Nièvre (AMMN), dont nous sommes adhérents, nous ont accompagné et soutenu dans nos démarches auprès des autorités compétentes.

Les travaux ont donc été effectués dans les règle de l’art, après consultation et avis favorables de la Direction Départementale des Territoires (DDT 58), de l’Office Français de la Biodiversité (OFB), du Parc Naturel Régional du Morvan (PNRM).

Ces travaux ont obtenu le label de la Fondation du Patrimoine, après validation par l’architecte des bâtiments de France, confirmant ainsi à la fois l’intérêt patrimonial du barrage et la qualité des travaux.


La concertation avec les organismes concernés a également débouché sur un accord de gestion des vannes, que nous ouvrons d’octobre à avril, afin de respecter la loi sur la continuité écologique des cours d’eau. C’est en effet pendant cette période que les poissons circulent le plus et que l’eau est la plus chargée en sédiments. Ces derniers pourront ainsi mieux s’écouler plutôt que de se déposer et combler petit à petit le fond naturel de la rivière.
La fermeture des vannes de mai à septembre permet de rétablir le plan d’eau, de préserver les zones humides en amont et de maintenir la nappe phréatique pendant les périodes les plus sèches.

L’accord a été officialisé par un arrêté préfectoral (N° 58-2022-01-14-00003) précisant les conditions, tout en confirmant le droit d’eau fondé en titre du moulin, et avec obligation de travaux d’aménagement des vannes portant sur l’abaissement du radier de la grande vanne, la réalisation d’un pré-barrage immédiatement en aval et la mécanisation des vannes pour en facilité l’ouverture et la fermeture. Ces travaux ont été réalisés en septembre 2023 et nous en avons également profité pour poursuivre la rénovation du barrage.
L’aménagement des vannes a bénéficié d’une aide financière partielle de l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne.

En dehors des aspects légaux et écologiques, la mécanisation des vannes redonne vie au moulin et facilite l’entretien du fond et du barrage, ce qui valorise le site.

Fonctionnement

Le Moulin de Montécot est un ancien moulin à grain situé sur la rivière Alène. Depuis le moyen-âge, il a certainement dû connaître plusieurs transformations avant de nous parvenir dans sa configuration actuelle.

Il est implanté directement sur le lit de la rivière, sans canal de dérivation, appelé bief dans sa partie en amont du moulin et sous-bief dans sa partie en aval.
Dans notre configuration, c’est le lit de la rivière qui constitue le bief et le sous-bief.

Le barrage en pierres, qui sert également de déversoir, amène l’eau vers la grande roue en fonte, d’environ 5m de diamètre. La force du courant entraînait celle-ci par en-dessous. Une vanne en amont, tout contre la roue permettait de régler le débit.

Mécanisme intérieur roue moulin

A l’intérieur du moulin, sur l’axe de la roue, on trouve un engrenage appelé le « rouet », dont les dents en bois entraînent un petit engrenage conique en fonte fixé sur l’axe vertical principal, appelé « fer de moulin ».

En tournant, cet axe vertical entraîne un grand engrenage horizontal qui à son tour fait tourner les axes des deux paires de meules situées à l’étage supérieur.


Ainsi, sur chaque paire de meules, la meule du dessus, dite « tournante », vient écraser le grain sur la meule fixe du dessous, dite « dormante ». 
Le grain est introduit au centre, dans « l’oeillard », par l’intermédiaire d’une trémie en forme d’entonnoir, et de son « auget » qui, agité par le « babillard », pièce métallique fixée sur l’axe de la meule, permet au grain de s’écouler régulièrement.

Grâce à la force centrifuge, la farine obtenue est acheminée vers l’extérieur des meules, où elle est récupérée par des ouvertures prévues à cet effet dans les protections en bois et zinc qui entourent le dispositif. C’est l’écartement des meules qui détermine la finesse de la farine.

Gros plan engrenages moulin

Une série d’engrenages et de poulies entraîne également, via des courroies en cuir, différents instruments utilisés pour la préparation du grain et de la farine. On devait autrefois trouver des tarares, pour séparer le grain de son enveloppe et des impuretés, ainsi que des blutoirs, qui permettent d’extraire différentes qualités de farine, plus ou moins riches en son.

Historique

La carte de Cassini

Le Moulin de Montécot figure sur la carte de Cassini n°50, feuille n°67.
Il s’agit de la première carte générale du Royaume de France à s’appuyer sur une triangulation géodésique dont l’établissement a pris plus de soixante ans.
Elle a été finalisée au XVIIIè siècle, sous le règne du roi Louis XV et sous la direction de César-François Cassini de Thury et de son fils Jean-Dominique, tous deux astronomes et cartographes.

Source carte de Cassini : gallica.bnf.fr / Bibliothèque Nationale de France.

Cette donnée est importante car les moulins qui existaient avant la révolution française sont dits « fondés en titre », ce qui signifie qu’ils possèdent de fait le droit inaliénable d’utiliser la force de l’eau et de manœuvrer les vannes, sans demande d’autorisation spécifique.

Les moulins construits après la révolution française ne figurent donc pas sur la carte de Cassini. Leur propriétaire disposait d’un droit d’eau limité dans le temps qui pouvait être revendu séparément. Pour ces moulins, il faut donc disposer d’un document administratif attestant que le droit d’eau est toujours attaché au moulin.

Actes notariés

« 10 May 1717 », c’est la date du plus ancien document administratif que nous possédions concernant le Moulin de Montécot. Il s’agit d’un acte de vente manuscrit, écrit en vieux français. Il est assez difficile à déchiffrer, d’autant qu’on ne dispose que d’une photocopie. Il est néammoins possible d’y lire :
« … au lieu de Montescot, paroisse de Semelay, sur la rivière Alène, appelé Le Moulin du Montescot… »
A noter l’orthographe différente de celle d’aujourd’hui.

Plus proche de nous, les actes notariés en notre possession permettent de retrouver les différents propriétaires du moulin à partir de la deuxième moitié du XIXe siècle.
Avant 1862, il appartient à M. Guillaume Hippolyte Comte de Chargère, ancien officier de cavalerie, et Mme Cécile Louise Pinot, Comtesse de Chargères, son épouse. Le moulin fait alors partie d’un vaste domaine autour du château du Plessis, incluant plusieurs fermes et une grande étendue de terres.

Le moulin reste dans la famille de Chargère jusqu’en 1903, date à laquelle  il est revendu par M. le Comte Charles Henri de Chargères et son épouse, Mme la Comtesse Pauline Marie Le Compasseur Créquy Montfort de Courtivron. Le moulin est ainsi séparé du domaine du Plessis. Il garde cependant un droit de passage, toujours en vigueur, sur le chemin qui monte depuis la rivière en direction du château.

La maison d’habitation est occupée en fermage par un meunier jusque dans les année 1920.

Différents propriétaires se succèdent jusqu’en 1966, date à laquelle mon père en fait l’acquisition, soit bien après le dernier tour de roue.
Des témoignages locaux affirment en effet que le moulin a cessé définitivement de fonctionner dans les années 1950.

Pour finir, j’en suis l’heureux propriétaire depuis 1994 et j’ai fait aménager le bâtiment industriel du moulin en gîte en 2010.

Extrait de « Pays d’Arts et d’Histoire du Mont Beuvray« , de Roland Niaux

« La motte de Montécot (au cadastre « Champ de la Tour ») utilise un énorme saillant rocheux contre lequel l’Alène vient buter.
Au sommet de cette butte a été aménagée une plate-forme d’environ 100m de longueur sur 90m de largeur, défendue à ses extrémités par des fossés profonds.
Au Moyen Age, on y éleva un donjon de 30m sur 20m qui fut détruit sur ordre de Richelieu. On en voit encore les ruines. A côté du donjon existait une chapelle Saint Marc. Montécot était un relais pour les pélerins de St Jacques. La ruine de la tour de Montécot fut utilisée au XVIIIè siècle comme sommet de triangulation par les géomètres qui dressaient alors la première carte complète de la France, dite carte de Cassini.

En face de Montécot, sur l’autre rive de l’Alène s’élève la motte de « La Place Froide ». Avec ces mottes, la vallée de l’Alène se trouvait controlée et éventuellement bloquée à son passage le plus étroit.
Signalons, entre Montécot et La Place Froide, sur l’Alène, le Moulin de Montécot, l’un des plus beaux moulins du Morvan. Son origine remonte probablement au Moyen Age. Son histoire est bien connue depuis le XVIIIè siècle. Il a sans doute cessé toute activité quelques années avant 1961. »

© Roland Niaux, 9 février 1994 – http://mont.beuvray.googlepages.com/semelay(nièvre)

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